Trail Tour du Canton

Trail Tour du Canton

7 décembre 2019 0 Par Olivier Métérie

Après le Raid Golfe du Morbihan en juin, destination la Normandie pour la deuxième (et dernière) grosse course de l’année 2019. Plus court (75 km) mais à un format plus classique de trail avec plus de chemin et plus de dénivelé (1600 m). Le Trail Tour du Canton, c’est une organisation dans le cadre du Téléthon, où le montant des inscriptions est reversé à la cause. Dans la foulée de ma préparation pour le marathon Seine Eure en octobre, j’ai continué avec trois entrainements course à pied, plus une séance de vélo par semaine, avec un peu plus de dénivelé évidemment. Avant d’arriver à la course, je suis satisfait d’avoir pu respecter le plan d’entraînement prévu et cette fois je ne suis pas malade ! Je cours probablement moins que d’autres coureurs mais je compte sur la régularité et un peu de fraîcheur. De toute façon mon objectif est simplement de finir. Je connais une bonne partie du parcours. Je viens d’ici et j’ai encore l’occasion de parcourir ces sentiers. J’ai aussi participé deux fois à cette course sur le format 44 kilomètres (raccourci à 40 cette année), avec le début et la fin de parcours en commun.

Samedi matin, lever théorique à 4h30. Je me suis planté dans la programmation du réveil… Heureusement le second réveil est plus efficace (merci maman) ! J’arrive malgré tout à l’heure pour le départ. A 6h00, c’est parti. Comme d’habitude, les gens partent comme des bombes, je préserve mes forces même si le début est plat. Assez vite, je constate que ça sera boueux. Ce n’est pas une surprise. Il n’a plu que la veille mais toute la journée. Donc je décide assez vite de m’économiser dans les parties glissantes. Pas la peine de chercher à courir et à se rattraper, je n’ai pas l’endurance musculaire pour.

A l’approche de Bolbec, je mange ma première demi barre. On quitte l’ancien parcours pour descendre directement vers la ville (avec une petite montée depuis le Val Ricard quand même). En haut de la rue piétonne, premier ravitaillement et première soupe, avec quelques Tucs et morceaux de banane. Je ne le sais pas (je m’en doute un peu) mais je passe dans les derniers, à peine une dizaine de personnes derrière. Vingt kilomètres avant le prochain ravitaillement mais pour l’instant ça va. Petit tour dans la ville. A la remontée vers le lycée Curie, je quitte le parcours. J’étais en train d’envoyer un SMS, j’ai loupé les croix fluo au sol. Elles étaient pourtant visibles ! Comme quoi, quand on court, on ne téléphone pas ! J’ai refait le plein d’eau au ravitaillement mais je n’ai pas remis de pastille isotonique. J’essaie de le faire en marchant. Les secousses ont un peu broyé les pastilles. Résultat : je m’asperge de poudre blanche en tentant de faire le plein de ma flasque ! Hum. Non je ne triche pas, je galère. Peu après je mange mon premier mini sandwich au fromage. En descendant vers Gruchet-le-Valasse, le jour se lève. On passe près de l’Abbaye qu’on rejoindra tout à l’heure pour la base vie. J’arrive chez mes parents, au becquet, Papa est là et on échange quelques mots sur mon état de forme. Je me sens bien mais on a fait qu’une vingtaine de kilomètres. Ce n’est que le début de la course. Il m’indique que les premiers sont déjà passés au ravitaillement suivant, une dizaine de kilomètres après, à 14 de moyenne. Moi et mes petits 8 de moyenne, on ne joue pas dans la même catégorie ! Je mange ma moitié de barre restante. En bas de la descente des Hauts-Champs, je ne vois plus le coureur devant moi, je ne me pose pas de questions, je tourne à gauche. La force de l’habitude. Quand je passe par là, je prends toujours à gauche. Oui mais voilà, il fallait prendre tout droit. Je ne me rappelais plus qu’il y avait un chemin tout droit… C’est en arrivant sur la route et en voyant passer des coureurs devant moi que je le comprends. J’ai shunté 50 mètres… Pas bien mais je n’ai pas envie de remonter pour prendre le bon itinéraire. Je culpabilise un peu en finissant la descente même si je ne l’ai pas fait exprès. Non je ne triche pas ! J’espère que le coureur derrière moi ne me balancera pas ! Passage furtif dans Lillebonne pour remonter le GR dans un sentier raide comme toujours mais en plus défoncé par des travaux forestiers. Au moins, on ne le remonte pas entièrement. On tourne à droite direction l’Abbaye du Valasse par un chemin privé que je n’ai pas emprunté depuis que j’étais gamin. Sur le site de l’Abbaye, on est plusieurs coureurs à chercher le ravitaillement. Mais il est plus haut que d’habitude, à l’entrée de la forêt. Je retrouve Papa qui me file mon sac de rechange. Je change tout le haut et les chaussettes et en profite pour me remettre de la Nok. J’ai déjà deux ampoules en dessous des gros orteils. C’est habituel, je fait avec. Je ressers mieux mes chaussures. J’ai un peu galéré pour me changer et perdu du temps mais ce n’est pas bien grave. Je redonne mon sac et me ravitaille.

On est presque à mi-course, je reprends tranquille en marchant car ça monte. Je constate de suite que les difficultés commencent, je ressens une douleur assez marquée tout en haut de la cuisse droite à chaque fois que je lève la jambe. Je continue de marcher, c’est sûrement la pause prolongée qui génère cela. Pendant la montée, je préviens Théo que je vais bientôt passé devant chez lui. J’arrive à monter à un rythme correct, la douleur s’atténue. Sur le plateau, je reprends la course. J’aperçois Théo sur le bord de la route. Nous n’avons plus beaucoup l’occasion de nous voir, alors je profite de ces quelques minutes. Il me propose gentiment de l’eau et à manger mais ça ira. Déjà 5h15 de course et au moins autant à venir. Place à la descente dans la forêt de Saint-Nicolas-de-la-Taille. L’objectif maintenant est de rallier Tancarville. On évite de penser au nombre de kilomètres, on prend la course étapes par étapes, avec comme but le prochain ravitaillement. La douleur à la jambe s’est un peu estompée puis ça me reprend à l’arrière. Tout en marchant j’arrive à monter plus vite que d’autres coureurs mais dès que je courre, c’est compliqué. Le moral en prend un coup. Alors je positive en faisant un peu de calcul mental. Je me dis que tant que je peux marcher, ça devrait passer pour les barrières horaires. Je sors de la forêt, on ne doit pas être très loin de Tancarville. Je ne regarde pas la montre, j’évite de savoir exactement où j’en suis. Sur la route, je reconnais qu’on est en fait à Saint-Nicolas-de-la-Taille. Il va donc falloir descendre pour remonter. J’avale un petit sandwich avant le ravitaillement. En course, j’ai tendance à retarder la prise alimentaire. Mais le temps file et l’énergie aussi donc il faut bien manger. Au checkpoint, cinquante kilomètres de parcourus donc les deux tiers de la course. Un bon morceau de déjà fait. Je reprends une soupe avec de bons légumes du jardin dixit la bénévole présente, quelques Tucs et morceaux de pains avec du pâté. Ça requinque bien !

Comme je n’apprends pas de mes erreurs, cinq cents mètres après la sortie du ravitaillement, je me dis que je remettrais bien de la poudre de boisson isotonique dans ma flasque. Je perds la moitié du contenu de la flasque et cinq minutes pour ouvrir et verser le sachet… Dans la descente du bois du Vivier, la douleur à l’avant de la cuisse se fait plus vive. Aïe. Décidément les arrêts au ravitaillements ne me réussissent pas. Je pensais avoir fait le plus dur. Mais cette partie dans la forêt pour remonter vers Mélamare va me sembler interminable. A un carrefour je pensais qu’on tournerait à gauche. Eh non, on prend à droite puis on remonte droit dans le pentu ! Ça donne un peu l’impression de faire demi-tour. Je marche beaucoup et recours dès que cela descend un peu. C’est le moment de manger une compote. Les ravitaillements revigorent mais ça ne dure pas assez longtemps. Je ne me sens jamais complètement vide mais je constate la différence avec les minutes qui suivent la sortie du ravito. Quand nous rejoignons le chemin principal, je vois le coureur devant moi hésiter puis prendre à droite. La balise est un peu cachée par un arbre de là où on vient. Mais je sais que le parcours est tout droit. Alors je lui crie « Tout droit ! » et il me remercie. J’alterne trot et marche sur ce faux plat montant. Je suis seul. Plus personne devant et derrière. Bizarre. Quelques minutes plus tard, j’entends un bruit de bâtons. C’est un des coureurs qui était devant moi. Il a dû se tromper de chemin aussi, ce qu’il me confirmera après. On fait un bout de route ensemble même si ce n’est pas toujours évident de se caler sur le rythme de quelqu’un d’autre. La douleur à la jambe va et vient mais je peine à courir en légère montée. Ça tire trop. Une fois le plateau atteint, mon collègue me demande combien j’ai de kilomètres à ma montre. Le temps pour arriver à Mélamare nous semble long. Il faut dire que même si les pentes ne sont pas toujours très raides, la section est globalement en montée et nous avons beaucoup marché. Après le hameau de Babylone, on redescend à nouveau dans la forêt, pour un dernier passage au cas où ça nous ait pas suffit. J’arrive enfin à Mélamare. Cette fois j’anticipe, en versant la poudre (isotonique) dans la flasque vide. Soixante kilomètres pour devenir lucide… Nouvelle soupe que je me serre moi-même, quelques Tucs et tartines de pâté. Je sens que les bénévoles commencent à fatiguer aussi. Ils aimeraient bien que les derniers se magnent un peu le c** ! J’apprends qu’il y aurait environ 40 personnes derrières. J’ai une grosse demi-heure d’avance sur la barrière horaire. Je pensais être plus large mais cette étape a été plus longue que prévue. Ça risque de faire juste pour d’autres derrière…

Il y a deux bonnes nouvelles. La première c’est que ça descend majoritairement pour rejoindre Bolbec. La deuxième c’est qu’il me reste plus de trois heures pour arriver au bout des quinze derniers kilomètres. Je suis donc optimiste pour la fin de course. Je reprends quelques coureurs sur cette partie où dès que ça descend je parviens à courir. On arrive sur la partie boisée au-dessus de la départementale avant de redescendre sous le viaduc qui nous mène à Bolbec. Je n’aime pas cette partie casse gueule où pour descendre tu te rattrapes aux troncs d’arbres si tu ne veux pas finir sur les fesses. J’arrive au Stade Tetlow, point de la dernière étape. C’est passé assez vite avec seulement six kilomètres globalement descendant. Plus de soupe mais je prends le temps de me ravitailler et de faire le plein d’eau même si ça me fait perdre quelques places.

C’est la dernière ligne droite, moins de dix kilomètres pour finir ! Je n’ai pas vraiment les jambes dures. Un peu de fatigue évidemment mais pas trop de lassitude. Ça tire toujours en haut de la jambe mais je tiens le bon bout. Remonté sur le plateau je tente de trotter sur le chemin. Mais avec la boue, chaque petite glissade, sollicite un peu plus plus les muscles du haut de ma jambe. Un coureur me double puis quelques centaines de mètres après je reviens dessus. Il est plus de 16 heures, je me demande si je vais être obligé de ressortir la frontale. Ce n’est pas grand chose mais à un moment, on arrive à un stade où on a un peu la flemme… Alors je décide aussi d’accélérer le pas. C’est sûrement l’effet de l’arrivée qui se fait plus proche mais je me remets à courir un peu plus. J’entends les coups de feu, les chasseurs sont là. Comme l’année dernière où j’avais vu un sanglier apeuré foncer droit vers moi puis freiner des quatre pattes et bifurquer à l’approche de la clôture (ou en me voyant ?). On arrive au passage où l’on doit remonter un faux plat dans un champ. Cette fois ça colle un peu moins aux chaussures alors j’arrive à courir. Cette année cela aura été encore boueux avec quelques passages toujours délicats mais c’était quand même un peu plus praticable. C’est le dernier passage boisé avec la dernière montée glissante puis après c’est presque tout plat. J’ai un coureur en ligne de mire. Celui qui est derrière moi, est loin et je l’ai doublé il y a un moment. A la sortie de Saint-Jean-de-la-Neuville, je rattrape le gars devant moi. Il est en train de se vider sur le bord la route. Je lui demande si ça va aller, s’il veut de l’eau. Il me répond qu’il ne peut plus rien avaler, ni boire depuis vingt cinq kilomètres. Je l’encourage car c’est presque fini. Je repars en courant sur cette section bitumée et plate. Avant le dernier chemin, le coureur malade me rattrape. On discute un peu puis on repart en courant. Beuzeville-la-Grenier est en vue, c’est fini. On rattrape une coureuse, on se félicite et je laisse filer mon dernier camarade de course dont la dernière purge a été efficace ! Voilà c’est fini, fugace moment d’émotion dans la dernière ligne droite. Ça ne dure pas longtemps mais c’est quelque chose de terminer ce genre de course. Forcément ça n’a pas été facile. Je pense que ça ne l’est jamais. Pour l’instant j’ai eu la chance de pouvoir terminer toutes mes courses. Une dernière petite soupe pour la route et je rentre.

Le soir même, je constate que je n’arrive plus à soulever ma jambe droite sans l’aide de mes bras. Heureusement deux jours après, ça ira mieux. D’ailleurs je suis bien fatigué alors à 21 heures, il est l’heure de faire dodo.

Classement général : 169/200 – Master 1 : 34/38