Ecotrail de Paris

Ecotrail de Paris

19 mars 2022 0 Par Olivier Métérie

L’objectif principal de ce début d’année est arrivé. Les 80 kilomètres qui permettent de relier la Tour Eiffel depuis la base de loisirs de Saint-Quentin-en-Yvelines. J’ai essayé de faire plus de volume de course à pied avec plus de 400 kilomètres courus depuis le début de l’année. Ce n’est pas toujours facile de doser efficacement entre entraînement et repos mais il fallait essayer. Malgré tout, je ne suis pas du tout en confiance. Beaucoup de mauvaises sensations pendant mes entraînements, avec des jambes pas top et des soucis de circulation sanguine au point de ne parfois plus sentir mes pieds. Dans la dernière le retour d’une gêne au fessier gauche et à l’articulation du gros orteil. Ma récupération n’est pas bonne non plus avec un manque de sommeil. Des journées qui sont trop longues ou plus particulièrement dernièrement un sommeil un peu trop léger. Malgré le fait que j’ai levé le pied en terme d’entraînement trois semaines avant la course, l’affutage est raté. Je termine la semaine crevé. Heureusement je dors bien la veille de la course mais c’est certainement insuffisant.

C’est une belle journée qui s’annonce, il fait beau, j’ai même peur d’avoir trop chaud. J’arrive assez en avance sur la zone de départ. Au moins ce matin, c’est sans stress, j’ai pu prendre mon temps. Je croise Antony et quelques traileurs normands, on se souhaite bonne chance. J’ai juste comme ambition de finir sans trop souffrir (si c’est vraiment possible sur ce genre de course, j’y suis jamais arrivé). Dans un petit coin de ma tête, je me dis qu’en dix heures ce serait génial et onze heures, ça serait pas mal. On peut toujours rêver.

C’est parti. Je suis dans la deuxième vague du départ de 11h30 (les départs sont échelonnés de 11h00 à 12h00). On fait tout le tour de la base de loisirs sur les dix premiers kilomètres. J’enlève vite ma veste car j’ai chaud. La sous couche et le maillot suffisent amplement. Je ne regarde pas du tout la montre, je reste aux sensations. Pour moi, j’en garde sous le pied. Je suis facile et c’est tout plat. Après coup, en regardant les stats, à dix kilomètres heures, j’étais un peu trop rapide. Mon cœur assez haut (pour une telle distance) à 160 pulsations même si je ne le ressentais pas en terme de ventilation. Après un passage urbain, on repart en forêt dans la vallée de la Bièvre. Il y a quelques jolis coins par là aussi. Parfois quelques coureurs passent à des allures plutôt aux alentours de quinze à l’heure. Un peu hallucinant. A côté de moi, certains se demandent s’ils font vraiment la même course ! Probablement des bons coureurs partis dans la dernière vague et qui nous ont déjà rattrapés. Peu avant le premier ravitaillement, je m’inquiète que je n’ai pas assez bu. Une flasque de 50 centilitres de boisson isotonique et à peine dix centilitres d’eau. En revanche j’ai mangé régulièrement. Mais je sens que j’ai déjà faim et que ma peau se désèche avec des traces de sels. Mes fessiers sont déjà fatigués aussi.

1er ravitaillement : 24km – 2h32 – 9,36 km/h – 1459ème

Au premier ravitaillement, je refais le plein d’eau. Je bois deux gobelets d’eau gazeuse et mange une dizaine de tucs et une poignée d’amandes. Il reste autant de kilomètres avant le prochain point d’eau et 32 avant le prochain ravitaillement. C’est quand même beaucoup et bien qu’il ne fasse pas très chaud, on n’est pas encore habitué à courir au soleil. Sur le deuxième tronçon, je bois plus dans l’espoir de compenser mais je pense que c’est trop tard. Je commence à me sentir pas bien alors je ralentis pour faire diminuer l’intensité de l’effort. Mais autant le début était facile et presque tout plat, maintenant on a du dénivelé. Passé le 30ème kilomètres, mon ventre commence à se manifester. Je me rends à l’évidence. Même si je peux musculairement courir, si je ne veux pas me faire dessus, il va falloir marcher même sur le plat. A ce moment-là, c’est dur aussi dans la tête. 50 kilomètres de marche, ça ne va pas passer vite. Je ne sais pas d’ailleurs si je vais finir. Ma course est de toute façon ratée. Le temps ne sera pas terrible et en plus, je vais quand même souffrir. Je ne pense pas à l’abandon mais je me demande encore dans quelles galère je m’embarque et je suis déçu.

Particularité de l’écotrail et région parisienne oblige, il y a quelques carrefours à traverser et dans ce cas on doit parfois attendre que le signaleur nous laisse passer. Bon je suppose que les élites sont tout de même prioritaire, c’est mieux pour l’équité de la course. A l’attente au feu, une femme devant moi fond en larme et s’excuse de craquer. Il n’y a pas de quoi, ça arrive. Sa comparse la console en lui disant que ce n’est pas son jour. C’est ça, parfois c’est pas notre jour et sur ce genre d’épreuve quand ça arrive c’est dur. Je suis étonné quand je vois que nous sommes à Meudon. La commune est assez étendue et on va y faire pas mal de détour dans la suite de la course. Ma préoccupation du moment est de trouver un coin tranquille en forêt. Je n’en plus peux plus, il faut que je me soulage. Heureusement j’avais prévu le papier toilette.

2ème ravitaillement (point d’eau) : 46km – 6h10 – 6,19 km/h – 1544ème

Ca va mieux, on arrive au point d’eau mais ce sera de courte durée. Je refais juste le plein des flasques et repart en marchant. Je sens bien que je ne peux toujours pas courir. Que ça va être long !

On fait le tour de la terrasse de l’observatoire de Meudon, la Tour Eiffel est visible mais elle est loin. Encore plus loin vu les détours pour y arriver (32 kilomètres à ce stade de la course). Je reconnais le parcours car je l’avais emprunté lors du 18 kilomètres de l’écotrail en 2018. C’est pourtant tout plat mais dès que je cours ça va pas. Ca fait 20 kilomètres que je me fais doubler par les coureurs et je n’ai pas l’habitude. J’ai faim mais je ne mange quasiment plus. Je ne préfère pas prendre le risque. Je suis un groupe pendant quelques kilomètres qui s’est aussi résigné à marcher. Je les laisse peu avant le ravitaillement solide du 55ème kilomètres. Je ne peux pas attendre les toilettes. J’ai encore besoin de me soulager et il faut aussi mettre la frontale car il fait maintenant trop sombre pour évoluer en sécurité en forêt.

3ème ravitaillement : 56km – 8h05 – 5,43 km/h – 1577ème

Au ravitaillement pas de toilettes. En fait il n’y en avait qu’au premier. Je n’ai plus de papier, j’espère tenir jusqu’au bout. Ca tient à peu de choses une course… Un bénévole me demande ce que je veux et je ne sais pas quoi lui répondre à part que j’ai du mal à manger. Gentiment il me file des bonbons au miel et me conseille de prendre de la soupe. Ca fait du bien. Ce sera toujours ça de pris pour les prochains kilomètres. Un coureur dégueule en face de moi, il à l’air encore plus dans le dur.

Je repars en tentant de courir dans la descente mais ce n’est toujours pas ça. Au moins la nuit est tombée, il fait plus frais. En proportion je bois plus qu’au début donc ça ira peut-être mieux. Pas mal de dénivelé au début de la partie suivante, je suis pas forcément plus lent que les autres mais je sens bien que je manque de jus quand ça grimpe fort. La longue ligne droite de la Route Royale qui nous emmène vers l’A13 me semble interminable. Un coureur me double puis s’arrête pour vomir. Il m’inquiète. Je le double et je l’entends encore vomir. Plus loin il me dépasse à nouveau car il arrive quand même à courir. C’est en fait le coureur aperçu au ravito précédent. A Marnes-la-Coquette, je suis seul pendant un petit moment. Je profite de la descente bitumée pour courir à petites foulées. Il reste moins de vingt kilomètres. Ca commence à devenir un nombre acceptable mentalement, ça va le faire. Je rejoins le coureur malade. Il me dit qu’il ne peut plus rien avaler, même la flotte. Il continue de vomir de temps en temps. Je décide de rester avec lui pendant toute la traversée du Parc de Saint-Cloud. De toute façon, ça fait bien longtemps qu’il n’y a plus d’enjeu. Il à l’air quand même plus mal que moi et ne sait pas s’il va finir. Je lui dis que moi je vais au bout, je n’abandonnerai pas si proche du but. Un coureur nous dépasse et s’inquiète des barrières horaires. Tiens oui c’est vrai qu’il y a des temps limites ! Franchement je ne m’en suis pas préoccupé. J’ai bien fait de ne pas stresser pour ça et finalement j’étais assez « large ». On arrive en bas du Parc mais il faut tout remonter pour atteindre le dernier ravitaillement.

4ème ravitaillement : 69km – 10h38 – 5,16 km/h – 1575ème

Il y a de la musique et de l’ambiance, ça fait du bien. Je reprends une soupe et un morceau de pain qui passent plutôt bien. Au contraire de la barre de céréales que je n’ai pas réussi à finir en 40 kilomètres. J’attends mon compagnon qui s’est assis pour manger. Il va passer à l’infirmerie. Je l’attends pendant qu’il vomit à nouveau, ce qui inquiète les secouristes. Je prends le temps de remettre ma veste pour la fin de la course. Je jette un œil sous la tente et ne le voit plus. Je demande au secouriste où il est passé. Je ne l’ai peut-être pas vu repartir. Je crains que ce ne soit finalement pas le cas. Ayant pas mal recouru sur la fin, je pense que je serai revenu sur lui. A la lecture des résultats après la course, je verrai qu’il s’est arrêté ici.

On arrive en bord de Seine. Là avec la fatigue, je me dis que ça va être encore long parce qu’on part dans la direction opposée de la Tour Eiffel. En fait non. Dans cette boucle de la Seine, derrière moi on part vers la Défense. Paris c’est bien en face. Mon estomac va mieux alors je peux enfin recourir plus longtemps. Bien sûr je suis fatigué et j’ai quand même mal aux jambes. J’alterne donc avec des phases de marche. De toute façon il faut que je me magne, ma frontale n’a pas été suffisamment rechargée et montre des signes de faiblesses… Ca va qu’on est en ville. Je vois les bâtiments de Canal+ et de TF1. Mince on n’est pas encore à Paris. Je décide de courir jusqu’au périphérique et aux bâtiments de France Télévisions, là je serai à Paris. Je remonte des coureurs et ça fait du bien. J’ose regarder ma montre, plus que trois kilomètres. La Tour Eiffel dont le faisceau me narguait depuis tout à l’heure, est là devant moi. Un petit tour par l’Ile aux Cygnes puis le Pont de Bir Hakeim, c’est la dernière ligne droite sous les encouragements des nombreuses personnes présentes. Il y a beaucoup de touristes évidemment et certains doivent se demander quels sont les gugus avec un dossard qui courent à cette heure-là !

Arrivée : 80km – 12h24 – 6,34 km/h – 1543ème

Il est bientôt minuit, j’y suis arrivé. Je grimpe les escaliers de la Tour Eiffel et franchis l’arrivée au premier étage. Je récupère ma médaille et bois une petite bière qui passe pas si mal. Je l’ai fait. Un peu d’émotion mais je ne savoure pas tant que ça. La fatigue et la dureté de la journée ont un peu gâché le moment même si je me suis battu pour ça pendant toutes ces heures.

Je redescends (par l’ascenseur) et là un coureur me dit que ça été dur et qu’il se demande pourquoi il a fait ça. Il sourit en me disant que de toute façon, comme d’habitude il va recommencer et s’esclaffe en se disant que c’est du ressort de la psychiatrie ! Peut-être. A ce moment-là, j’avoue que je n’ai pas trop envie de l’écouter et que ça me fait rire jaune. En plus ce n’est pas encore l’heure du repos. Il faut marcher jusqu’au gymnase Emile Anthoine. Je récupère mon sac de rechange (enfin on vient me le donner, parce que je suis trop miro pour trouver ma tranche de numéro de dossard sur le camion) et je file me restaurer. Je prends une petite portion de lasagne végétarienne et une soupe. Je regarde les horaires de train parce qu’il est plus de minuit. Plus qu’un train et je n’ai que cinq minutes pour partir ! Pas le temps de me changer, je repars prendre le métro. J’arrive pile au moment où la rame entre en station. Je suis à l’heure pour le RER. Je croise une personne avec un sac et des chaussures de trail. Une participante de l’écotrail. On discute de nos courses respectives. Ca s’est mieux passé pour elle mais difficile malgré tout. Est-ce que ça a été facile pour quelqu’un ? Gare de Poissy, plus qu’un kilomètre à pied pour rentrer. Une douche et au dodo. Il est 2h20, cette fois la journée est enfin finie.