Trail des 2 Amants

Trail des 2 Amants

3 avril 2022 0 Par Olivier Métérie

Deux semaines seulement après l’Ecotrail me revoilà parti sur une course… et pour 55 kilomètres. Première fois que j’enchaîne comme ça deux trails longs. Mais ce n’est pas de mon fait, il s’agit de reports de course en 2020 puis 2021 à cause du covid. Après la frustration de l’Ecotrail, avec un résultat décevant par rapport à l’entrainement suivi, je ne me suis pas trop pris la tête. J’ai repris l’entraînement quatre jours après la course sans trop de problème mais sans forcer, juste pour courir. J’ai quand même peu couru, seulement trois fois entre les deux courses. Dont la dernière le mardi, soit cinq jours avant le trail, avec comme assez souvent cet hiver, ces mauvaises sensations. Circulation sanguine bloquée dans les jambes et les pieds qui s’engourdissent. Je n’ai pas cherché à me reposer plus, je n’en ai pas forcément eu l’occasion. Avant l’Ecotrail, à vouloir plus dormir, j’ai moins dormi. Vendredi j’ai même fini ma journée de travail à 22h30, après avoir chassé un bug qui plantait la facturation de plusieurs clients. En prime j’ai commencé à avoir mal au ventre en début de soirée. Résultat je rentre chez moi, à minuit passé et je me couche sans manger. Je pourrais enrager mais de toute façon, depuis plusieurs mois, avant mes courses, il y a toujours un « truc ». Alors je suis résigné. Advienne que pourra.

Je me lève tard à presque onze heures le samedi. C’est toujours ça de pris même si je sais que ça ne va pas tout régler. J’arrive à me coucher avant minuit pour un lever à 5h45 le dimanche. Courte nuit mais j’ai plutôt bien dormi. J’avale mon petit déjeuner et en route. Il fait froid avec 1 degré. Mais plus j’approche de Pitres et plus ça baisse. Sur place, il fait -2. Je récupère mon dossard et le tshirt offert et retourne à la voiture le déposer. Je repasse une dernière fois au gymnase me réchauffer quelques minutes avant le départ car je ne sens plus mes doigts malgré les gants. Heureusement le départ est vite donné, on ne reste pas longtemps immobile.

Pîtres – km 0 – 8h00

Un tour de stade qui ne suffira pas pour s’échauffer puis on s’arrête dans un bouchon au premier rétrécissement. Après une bonne minute sur place, on repart en trottinant entre les champs pour se rapprocher du bord de Seine. A l’approche de l’écluse de Poses, j’ai déjà moins froid. C’est bien de commencer par ces 5 kilomètres tout plat, parce qu’après c’est plus pareil ! Je pense que mes tendons d’achille auraient souffert avec une départ direct en côte.

La première montée tire quand même un peu mais ça va. On redescend rapidement vers la Seine. Je pense bien à boire (j’ai programmé une alarme toutes les quinze minutes sur la montre) et je mange une moitié de barre juste avant la deuxième montée. Je vois les coureurs, tout petits, qui grimpent la falaise. Je suis déjà passé ici en marchant et je sais que c’est raide. Et ça glisse. Mais au moins ce n’est pas long. Je prends des photos parce que j’ai quand même le temps. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde. La tête de course du 25 kilomètres partis trente minutes après nous, me dépasse. Ca envoie. Le premier, il est en short et maillot, on pourrait penser qu’il fait son footing dominical. C’est trop court pour porter un sac. La courte descente qui suit est bien raide et glissante. Un coup d’œil pour voir si une fusée arrive par derrière, non… En fait si, ça arrive vite. « 25 » qu’il annonce. Pas de souci, vas-y passe. Les bénévoles en bas, crient de faire attention car ça n’adhère pas. Il s’en fout, pas le temps de se poser de question et dévale en se rattrapant comme il peut. Les deux coureurs devant moi qui sont à l’inverse, un peu trop prudent, terminent sur les fesses.

Voilà, on est dans l’ambiance, c’est ça de monter et descendre les falaises. On remonte déjà à nouveau vers le plateau. Une vraie côte, gravie en marchant mais quand même moins raide que la précédente. Cette fois c’est un coureur du 85 kilomètres qui me dépasse. Parti trois heures plus tôt que nous, il a fini la boucle des 30 kilomètres supplémentaires à notre course. Il est content de voir du monde. D’autres coureurs du 85 me dépasseront probablement mais ils ont un rythme de course plus proche du mien. Pour ceux du 25 qui continuent de me dépasser, il n’y a pas d’ambiguïté qu’on ne fait pas la même course. J’arrive à un point de séparation, le 25 km à gauche, les deux autres courses à droite. Le bénévole indique bien la séparation et les fanions de couleurs (rose pour le 55) aussi. Pourtant la personne qui me précède part à gauche. Le bénévole me regarde et insiste, le 25 à gauche. Je lui réponds que je cours le 55 et donc que je vais à droite (sinon je courrais bien plus vite !). Un peu plus tard, je croise les trois premiers du 25. Bizarre, leur boucle part sur la gauche puis ils reviennent en sens inverse. Je les félicite en les croisant. Mouais. En fait je comprendrai plus tard qu’ils se sont trompés à l’intersection et qu’ils ont fait demi-tour ! Quatre kilomètres de rab, une course perdue, c’est dommage…

Plus de montées trop ardues, nous sommes sur le plateau. Toutefois, on enchaine quand même quelques dénivelés. Je me sens assez bien, je ne sais pas si ça va durer mais je suis content. Je bois mais sûrement déjà pas assez. Je loupe peut-être parfois le bip de la montre, que je confonds avec l’alarme fréquence cardiaque haute que j’ai paramétré à 170. Une connerie. Ca sonne tout le temps. Je ne sais pas si le cardio débloque, je n’ai pas la sensation d’être en intensité. Le premier ravitaillement approche, 18 kilomètres de fait.

Bonnemare – km 18 – 10h26

Nous sommes entrés dans la cour du château de Bonnemare. J’en profite pour faire des photos. C’est ça aussi le trail, on fait le touriste. Au ravito, je fais remplir mes flasques, j’ai bu environ 50 centilitres, ce qui n’est pas assez pour un peu plus de deux heures de course. Au son de Living On a Prayer, je mange une moitié de banane et quelques carrés de chocolat. Une des bénévoles me fait penser à Candice Renoir (Cécile Bois). Si je commence à halluciner, c’est pas bon. Mais non ce n’est pas sa voix. Allez il faut repartir, je prends des Tucs que je mange en marchant.

Je n’ai pas tant trainé que ça mais je repars quand même après des coureurs que j’avais doublé. Je les rattrape un par un. On arrive dans la vallée de l’Andelle qu’on traverse avec ces étangs de pêche, c’est joli. Encore mieux, peu après nous passons dans les restes de l’Abbaye Notre Dame de Guérard, c’est superbe. Il est déjà temps de remonter de l’autre côte de la vallée, d’abord par la route puis un chemin. Je pourrais peut-être courir mais je ne force pas. Je reste derrière un groupe qui marche. Dès qu’on revient sur la route même si ça monte encore un peu, je recours. On bifurque à gauche et nous passons devant l’auberge restaurant de la Grange aux Loups. Le nom et le site me disent quelque chose. Je pense que c’est ici que les cousins Amélie et Sébastien avaient fêtés leur mariage en 2010.

On redescend déjà dans la vallée. Je double quelques personnes mais sans m’emballer sur l’allure. Il reste encore à faire donc je me préserve. Sans atteindre le point le plus bas, on remonte déjà mais pas trop longtemps. J’arrive derrière un couple. Elle râle, dans une langue latine, qu’il va trop vite. De mon côté, je m’arrête pour regarder le paysage de la vallée et prendre une photo. Dans quelques heures, je serai là-bas pour gravir la colline des deux amants. Ça redescend à nouveau, passage dans une carrière. Elle râle à nouveau qu’elle n’a pas sa technique de descente, que c’est facile pour lui. Allez c’est l’heure de la pause.

Romilly-sur-Andelle – km 28 – 11h42

Au bout de la ligne droite, je vois ce qui ressemble à un ravitaillement. Déjà. Ça m’a semblé rapide. Bon je n’avais pas mémorisé le point kilométrique mais je me suis rappelé que ce n’était qu’un point d’eau. Juste le temps de remplir les flasques et on repart. Je ne sais pas très bien si la course fait 55 ou 57 kilomètres, on a dû faire la moitié. Je repars en courant et croise à un carrefour des coureurs en sens inverse. On part donc pour une boucle. Je me demande pour combien de kilomètres. C’est en faux plat mais je continue de courir mais plus pour longtemps. J’ai remonté du monde mais ça devient quand même dur de courir sur un faux plat si long. Mine de rien la fatigue arrive. Devant moi ça marche aussi. En revanche le couple que je suivais tout à l’heure, me redépasse. J’essaie de recourir par moment mais pas bien longtemps. Un coureur devant moi fait de même sans que je cherche vraiment à calquer mon rythme sur lui. On tourne puis on redescend. En bas, j’en profite pour un arrêt technique. Je ne bois pas tant que ça mais j’ai quand même envie d’uriner. La couleur est claire. Mais je commence a avoir mal en haut du mollet et derrière le genou. Une douleur de type tendinite qui ne me quittera plus jusqu’à la fin. Peut-être encore une conséquence de la sous-hydratation ?

La boucle n’est pas finie. On repart en sens inverse et à nouveau en montée. Ça ne grimpe pas fort mais je marche. C’est évident mais outre le fait que j’ai une allure modérée pour me préserver sur les parties « faciles », c’est sur ces sections là que je perds du temps. C’est, je pense, ce qui fait la différence avec des coureurs de milieu de classement. Mais bon, j’ai juste envie de mieux faire qu’il y a deux semaines, tout en finissant la course dans un état correct. Il faut refaire une heure de voiture pour rentrer tout à l’heure et demain, il y a le travail et la semaine à enchaîner. Je ne suis pas certain de pouvoir aller plus vite mais même pendant la course, je pense quand même aux aspects pratiques et au travail.

On change à nouveau de direction pour redescendre tout en courant. J’hésite à refaire un arrêt technique plus prolongé mais ça va je ne suis pas malade, je devrais pouvoir tenir jusqu’à l’arrivée (et même jusqu’à chez moi en l’occurrence). Je n’ai pas envie de perdre plus de temps. La boucle n’est pas encore finie. Nouveau changement de direction et remontée mais courte. J’en profite pour manger un sandwich. J’entends un son de klaxon que j’ai déjà entendu tout à l’heure. On est passé pas loin à mi parcours de cette boucle. J’aperçois la Licorne en pleine forme qui encourage les traileurs et m’ordonne de relancer dans la descente suivante puisque j’ai fini mon casse croûte. Je m’exécute et cours autant que je peux sur la partie plane suivante. Je reviens sur un couple (un autre) avec lequel, on s’est dépassé puis repassé plusieurs fois. Un coureur du 85 km, nous met d’accord en nous doublant. Je maintiens la course dans toute la traversée de Romilly-sur-Andelle. Pourtant ça tire derrière la jambe gauche et j’ai bien envie de marcher. Je m’y autoriserai seulement quelques mètres avant de remonter en forêt.

Je vois un coureur assis sur le bord du chemin, le teint livide. Il se relève quand j’arrive. Je lui demande comment ça va. Il est fatigué et a des crampes. Il me pose la même question. J’ai mal mais à ce stade, c’est presque normal donc ça va. Je discute quelques minutes puis repart en lui souhaitant bon courage. J’hésitais un peu à repartir mais des coureurs me redépasse et j’ai envie de courir alors je m’y remets.

Flipou – km 43,5 – 13h51

On arrive au dernier ravitaillement, je grignote un peu, quelques carrés de chocolat, une pâte de fruit et des Tucs. Je refais le plein d’eau aussi. Tout le monde est de bonne humeur, il ne reste plus « que » 11 kilomètres. Les bénévoles du premier ravitaillement sont là, dont « Candice Renoir ». Elle plaisante avec une autre bénévole, sur le mot à dire aux traileurs qui repartent. Elle pense que « bonne continuation », c’est moins déprimant que « bon courage ». Par conséquent lorsque je dis merci en repartant, elle me souhaite « bonne continuation ».

Deux coureurs en jaune que j’ai déjà vu plusieurs fois pendant la course, plus rapide que moi sur le ravitaillement sont juste devant. Une petite cuvette, puis une portion plane sur laquelle je perds un peu de temps et c’est une descente bien raide pour revenir sur la voie ferrée dans la vallée de l’Andelle. Je descends par petit pas. Quand je vois les chronos sur les segments Strava, respect à ceux qui dévalent ça en courant vraiment. Je double encore du monde sur la route et reviens sur les coureurs en jaune.

C’est l’heure de la montée vers la colline des deux amants. Au début, ça va. Je marche bien sûr. La pente est un peu vertigineuse avec la route en contrebas. Ensuite le chemin à flanc de falaise, oblique vers la gauche pour aller « droit dans le pentu » ! Et là, ça fait mal. Le souffle devient saccadé. On est fatigué, c’est dur de monter et de résister à la pesanteur qui voudrait nous faire reculer. Devant moi, ça râle. Allez ça peut pas monter si raide que ça bien longtemps. Ouf ! On arrive au point de vue. J’admire et je reprends mon souffle. Une photo et je trottine sur le single suivant en adaptant marche ou course en fonction du relief et des racines. Nouveau point de vue, cette fois, c’est le photographe qui m’immortalise. Nouvelle montée raide mais courte, on redescend un peu et on retrouve un nouveau single puis le couple (le premier) qui m’avait doublé vingt kilomètres auparavant. Sacré challenge, d’arriver à faire une course comme ça à deux. Lui à clairement fait la course sur la retenue. Je pense qu’il a poussé sa femme à tenir un rythme parfois assez soutenu car ils ont bien envoyés avant. Mais là, c’est plus ça. Je pense que j’ai grappillé tout mon retard en très peu de kilomètres. Au moment d’entamer la descente, je la sens en souffrance, elle a mal et est presque à l’arrêt. Je lui dis de s’accrocher, que c’est bientôt fini. En bas de la descente, je retrouve les coureurs en jaune qui hésitent à repartir pour une montée sur la gauche. Non le fanion rose est devant. Mais un peu plus bas, il faut quand même remonter à droite. C’est la dernière côte, c’est encore raide, ça pique mais ça ne dure pas. Je relance dès que c’est plat. Dernière descente, dernier sourire pour la photo en bas.

Je traverse la route, plus que quatre kilomètres de plat à tenir en courant jusqu’à la fin. On finit par où on a commencé donc on connaît le terrain. Je double du monde. Je rejoins le bord de Seine et devant moi, un bateau de croisière nommé « Renoir » rentre dans l’écluse de Poses. Ça me fait sourire même si j’ai mal. Je m’accorde quelques mètres de marche avant de quitter le bitume. Une personne dans son jardin, me demande combien de kilomètres j’ai fait. Il lève les yeux quand je lui réponds : « une cinquantaine mais c’est bientôt fini ». Je remonte la confluence avec l’Andelle. La bénévole qui garde l’intersection trouve que j’ai encore une bonne foulée. Après la traversée du pont, je marche à nouveau mais pas longtemps. Je longe à nouveau le bord de Seine. Il doit plus rester grand chose avant de revenir vers le stade. Je double encore des coureurs qui marchent ou courent plus lentement. Je m’arrêterai bien mais non. Un coureur d’une soixantaine d’année, qui fait le 85, me double. C’est le plus frais des coureurs environnants. Virage à droite, les coureurs en jaune sont derrière, pas si loin. Je pourrais m’autoriser 30 secondes de marche mais je veux rester devant. Il doit rester un kilomètre. Je cours jusqu’au bout. Je passe les petits talus et c’est l’entrée dans le stade puis dans la salle de sport, par une petite porte qu’on hésiterait presque à prendre. C’est l’arche d’arrivée, j’entends mon nom, on me donne ma médaille. Une nouvelle course de terminée. 55 kilomètres en un peu moins de 7h29. Je partais pour faire entre 7h30 et 8h30 donc le contrat est rempli !

Pîtres – km 55 – 15h29

C’est dommage mais je ne prends pas vraiment le temps de savourer. Je ne m’attarde pas et repars rapidement à la voiture. Je suis évidemment fatigué mais je ne veux pas prendre le risque que ce soit encore plus dur de rentrer après. Puisqu’il n’est pas si tard, j’aurai un peu plus de temps pour me reposer chez moi.